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Berlin : Global South (in exile) United ?

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Cette année, en attendant d’avoir trouvé un nouveau lieu où déposer ses marmites, la Cantine Syrienne a décidé de partir en tournée internationale ! Première destination : Berlin.

11-12-2023

Texte écrit par La Cantine Syrienne


Nous profitons de ce moment de transition pour enfin répondre aux invitations que nous avons reçues depuis 4 ans : nous partons à la rencontre de nouveaux et nouvelles ami.e.s, à la découverte de lieux et collectifs inspirants.

C’est ainsi qu’à la fin d’octobre dernier, nous avons empaqueté tout notre barda et pris la (longue) route de… BERLIN !

Berlin, comme première étape, car elle résonne souvent comme la ville qui a accueilli le plus de syrien.ne.s en Europe, mais aussi bien d’autres communautés : palestinienne, soudanaise, camerounaise, kurde, turque, iranienne... Après avoir reçu de nombreux échos de ce qui tente d’exister là-bas, il nous fallait aller voir de nos propres yeux pour comprendre comment s’y organisent et vivent les différentes diasporas en lutte.


La première chose que l’on peut dire c’est que nous n’avons pas été déçu.e.s : cette dizaine de jours a été profondément riche en apprentissages et c’est peu dire que l’accueil y a été chaleureux.

Commençons par la belle ambiance de KiezKantine : dans cette cantine solidaire et cosmopolite, nous avons partagé un beau repas cuisiné par nos soins et présenté ce qu’on essaye de faire à Montreuil. De même au Soli-Café und Küfa de Regenbogencafé, où la No Border Assembly nous a prêté ses cuisines avec gentillesse. Nous y servions à manger, alors qu’au même moment se déroulait simultanément une réunion des « groupes de solidarités » qui aident dans leurs démarches les exilé.e.s tout en luttant contre les politiques de migrations, ainsi que la préparation de la manifestation hebdomadaire pour la Palestine.

Nous avons à l'évidence eu la chance de rencontrer des activistes de la communauté syrienne. Ils tentent, tant bien que mal, de faire entendre la lutte pour la liberté de la Syrie et, en même temps, participent activement à la lutte pour la libération de la Palestine. Nous avons été invité.e.s et magnifiquement accueillis par des collectifs formidable, comme FACQ Berlin, queer et internationaliste, qui tente de créer des alliances autour de l’anticolonialisme et l’anticapitalisme entre des groupes originaires des Philippines, de Abya Yala, de Tunisie et bien d’autres géographies. Women In Exile & Friends, aussi, groupe de femmes réfugiées qui accompagnent depuis 30 ans les demandeuses d’asile dans le respect de leurs droits et milite pour l’abolition des camps de réfugié.e.s en Allemagne.

C’est encore lors des rencontres avec des militant.e.s de plusieurs nationalités, nous faisant le récit des luttes en Iran, au Soudan, en Irak ou en Allemagne en tant qu’exilé.e.s, que nous avons aussi eu de puissant rappel du niveau d’intelligence politique qui se déploie depuis les Suds, avec pourtant si peu de relais en France et en Europe. Nous savons aussi qu'à Berlin beaucoup de travail reste à faire : si l’on aide beaucoup les « réfugié.e.s », bien peu écoutent les enseignements qu’il.elle.s rapportent avec eux.elles.  

Enfin, la mobilisation pour la Palestine nous a impressionné.e.s. Le contexte allemand peut pourtant apparaître nauséabond : une large partie de la gauche, même radicale, soutient aveuglément Israël et voit de l’antisémitisme dans un slogan qui demandent la liberté d’un territoire sous occupation depuis 75 ans (prononcer “from the river to the see, Palestine will be free” est un interdit en Allemagne). Malgré ce contexte, nous avons vu quelque chose de très marquant en comparaison avec la France : certaines manifestations pour la libération de la Palestine ont été organisées - sous le nom de « Global South United » - par un front uni de militant.e.s exilé.e.s palestinien.ne.s, syrien.ne.s, iranien.ne.s, juif.ve.s, kurdes. Ce mouvement pour la libération de la Palestine émerge depuis la base, son discours d’appel ne faisant l’impasse sur aucune violence, sur aucun combat : que ce soit celui de la révolution syrienne, de la révolution soudanaise ou iranienne, contre l’antisémitisme ou contre l’islamophobie. Dans ces manifestations, on a vu côte à côte le drapeau palestinien et celui de la révolution syrienne. S’y sont mélangés, enfin, les chants des révolutions arabes à ceux, historiques, palestiniens.

Discours au départ de la manifestation pour la libération de la Palestine, le 28 octobre 2023

A Berlin, nous avons eu le sentiment de trouver une forme d’aboutissement de ce que nous avons seulement commencé à construire à Montreuil : un véritable environnement politique entre exilé.e.s et leurs allié.e.s ; un milieu où les gens se connaissent, s’entraident, organisent des actions ensemble parfois ; un réseau qui construit des lieux ouverts et divers où les gens peuvent se rencontrer et se soutenir entre différentes communautés. 

Au-delà d’une vie militante active, c’est donc tout d’abord une vie commune que nous avons découverte et qui nous a plue. A travers les cafés, les bars, la musique et la nourriture se rencontrent et cohabitent des groupes et des personnes de nombreux pays.

Ces espaces communs d’organisation sont conçus par et pour les exilé.e.s. Rarement séparées par la nationalité, les luttes portées par ces derniers se croisent et s'entremêlent, sans pour autant que se perdre la « lutte d’origine ». Celle-ci, au contraire, s’y trouve renforcée.

Nous imaginons bien que tout n’est pas non plus toujours rose, qu’il y existe aussi son lot de frictions, d'incompréhensions, de manques de connexions. Mais ce qui est certain c’est que nous avons découvert à Berlin ce que nous cherchions : un énorme stock d’inspiration et de nouveaux et nouvelles ami.e.s nous donnant une grande dose d’énergie. Ensuite, en nous indiquant que le modèle que nous portons existe autre part, Berlin nous montre que nous ne sommes pas totalement idéalistes.

Cette atmosphère nous a rappelé aussi tous ces groupes d’exilé.e.s et leurs allié.e.s qui, en France, essayent de construire quelque chose de cet ordre : Sudfa Media, Al-Beyt, Carnets Palestiniens, Paris Reponse, Lumière, Teje, l’Assemblée Féministe Transnationale, Internationalist United, Roja, Collective89 et bien d’autres que nous ne connaissons pas encore.

Cette première étape de tournée nous rappelle, enfin, à quel point cela compte de créer des rencontres et des alliances entre diasporas. Nous avons la preuve que rien n'est plus fort que l’entraide entre les communautés, entre les peuples ; qu'il faut écouter l’autre, apprendre sa lutte, la faire sienne afin de bâtir des ponts qui permettent de vivre, et combattre quand il le faut, côte à côte. 

Affiche de l'exposition "We call it Revolution. Transnational activismus in Berlin" | FHXB MUSEUM

Nos bonnes adresses

  • KiezKantine - Cantine solidaire hebdomadaire, les mardis à partir de 18h | Orienstrabe 45
  • Regenbogencafé - Cantine et café solidaire, notamment les vendredis avec No Border Assembly | Lausitzer Str. 21a
  • We call it Revolution. Transnational Activism in Berlin - Exposition au FHXB Museum, jusqu'au 31 mars 2024 | Adalbertstraße 95A

Un grand merci à toutes les personnes qui nous ont accueilli.e.s, ont participé à la cuisine et nous ont fait découvrir leur Berlin. Grand merci aussi à Elith, Benjamin et Taha qui ont participé au voyage !


Retrouvez-nous en 2024 à Lyon, à Marseille, dans les coopératives Longo Maï du Sud de la France et au Liban !

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